Un conte initiatique à destination des petits comme des grands,
sur le thème de la gestion écologique de ses ressources personnelles.
Je suis une licorne blanche avec une corne argentée qui émet de la lumière dans les ténèbres. J’ai des pouvoirs magiques : donnez-moi une infamie, j’en sortirai une glace couleur marshmallow. Donnez-moi des pleurs, je les transformerai en rêve de voyage vers des lieux où la douceur de vivre soignera vos blessures au cœur et au corps. Donnez-moi de la souffrance et j’en ferai des paillettes qui viennent illuminer vos vies. Donnez-moi de l’aigreur, et j’en ferai un bel arc-en-ciel à la courbe douce, sur lequel vous pourrez glisser jusqu’à rejoindre une fontaine aux eaux claires d’un vert bleuté, si transparente et pure que vous aurez envie d’y plonger pour laver vos malheurs.
Je suis ainsi faite, c’est ma mission de vie : venir éclairer de mon énergie une réalité parfois douloureuse. Mes parents m’ont conçue et éduquée pour cela. Mais ils n’ont pas pensé, au moment de la conception, à envisager un mode de renouvellement de l’énergie efficient. Je dépense plus d’énergie que je n’en produis, alors mes ressources ont tendance à s’épuiser. Ce n’est pas une question de volonté : c’est l’écosystème qui est défaillant.
Alors petit à petit, le rayonnement de ma corne magique a commencé à décliner. De manière imperceptible jusqu’à ce qu’elle ne soit plus qu’une lueur faiblarde juste bonne à éclairer le bout de mon nez. Les grands faisceaux puissants ont laissé la place à de petits signaux, comme un clignotement de détresse, qui n’avaient plus la même vocation. C’était le signal de l’épuisement, de l’incapacité à faire face à la tâche qu’on m’avait confiée, faute de ressource suffisante. Ces signaux de détresse ont commencé à émettre sans que personne autour de moi n’en comprenne la signification. Ils ont perduré, pendant plus d’une année.
Un jour, je me suis regardée dans un miroir, et je me suis aperçue de cette évolution au milieu de mon front. Je n’en ai pas compris le sens tout de suite, mais progressivement, je suis allée chercher des palliatifs qui ravivaient ponctuellement l’éclat de ma corne, source de mes pouvoirs. Ponctuellement donc, je pouvais encore accomplir ma mission et réaliser toute sorte de miracle : sauver le monde, transformer la boue en or, donner le sourire aux paralysés des maxillaires…
Mais après ces efforts donnés, une fois mes dernières ressources puisées, ces placebos de recharge ne duraient guère, et ma corne s’éteignait bien plus longtemps qu’à l’accoutumée. Jusqu’à ne plus se rallumer un soir d’automne. Elle est tombée, brisée comme du cristal après un choc. Et les ténèbres furent.
Pendant quelques jours, quelques semaines, quelques mois, à force de soin donné par un entourage qui s’inquiétait du tarissement soudain de la lumière, une petite bosse naissante sur mon front est apparue. J’avais beau avoir des pouvoirs magiques, j’ignorais que ma corne pouvait se rompre… et repousser.
Quand j’ai compris la signification de cette bosse, je n’ai plus eu d’autre préoccupation que d’en prendre soin et de la faire croître, avec autant d’attention qu’un jardinier qui voit naître la première fleur. Elle ne prenait pas beaucoup de centimètres par mois, mais peu m’importait. Elle repoussait, c’était déjà la plus grande des satisfactions. Je me fichais bien pas mal de savoir si elle brillerait autant, si elle serait tordue ou moins jolie que la précédente. Elle repoussait et recommençait à émettre un signal constant, plus clair et plus pur que le précédent. Plus doux également, plus subtil. Cela signifiait que les pouvoirs avaient muté. D’une puissance agressive et totale pour rendre la justice, les pouvoirs étaient devenus une source d’amour.
Mais surtout, la très grande différence est que la corne n’émettait plus seulement un rayonnement externe : elle illuminait désormais ma tête et mon corps. Tournée partiellement vers moi, cette nouvelle corne avait pour fonction de m’apporter autant que ce qu’elle distribuait aux autres.
Mieux encore, elle avait développé en repoussant un écosystème viable et inépuisable : elle ne pouvait fonctionner vers l’extérieur que si elle me nourrissait de l’intérieur, dans un équilibre vertueux entre mon environnement et moi.
Cette nouvelle corne était plus discrète, plus modérée, mais elle savait préserver ses ressources pour pouvoir durer dans le temps, en étant plus imperméable, moins cristalline et auto-suffisante. Elle éblouissait moins mais se ravivait au contact de ceux qui le méritent.
Et surtout, je sus que même brisée, elle repousserait, encore et encore, toujours mieux conçue que la précédente.
Marion Nussbaumer
Consultante Relation d’Aide et Management
06 38 84 20 74
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Très belle allégorie, merci beaucoup pour ce texte !
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